Interview : Tina Lucchesi
Propos recueillis par Mark Adolf et Jon von Zelowitz, 03.12.2007, Paris.
[EN : Sorry kids, no English translation! Tina is the queen of SF garage music. That’s all you need to know.]
Le premier groupe n’est pas The Trashwomen, c’était moi avec Bret des Flakes et ma copine Laura Gregory et un autre type Jim et j’ai joué l’orgue, c’était les Cryptics. Nous avons répété chez moi et c’était de la merde, reprises garage rock qui s’appelle “Mr. Creeper” et d’autres conneries dans le genre…
Vous avez joué où ?
Nul part, on nous a programmé mais nous ne sommes pas venus, nous avions le trac ! En même temps il y a Mike Lucas qui sortait avec Elka, elle jouait dans Eight Ball Scratch. Juste avant le réveillon 91, le groupe a splitté, et Mike a dit “je veux un groupe surf exclusivement filles qui s’appelle les Trashwomen”, une idée de génie. C’est lui qui a choisi les morceaux, Danielle et moi avions aucune idée comment les jouer, il y avait Christina aussi la femme de Maz qui a joué la 2ème guitare pour le premier show. Nous avons répété pendant 3 semaines, et ensuite nous avons joué sur scène, nous étions bourrées et nous avons dit “let’s do it again”. Nous avons joué le set une deuxième fois. Mike Lucas, c’était plus ou moins son idée. Elka jouait avec Eight Ball Scratch, un peu surf et rockabilly garage. Nous avons porté des bikinis sur scène, mais il y a Christina qui a dit “mais NON, je ne veux pas porter ça sur scène” et j’ai dit “peut-être c’est pas un groupe pour toi” (rire) Elle s’est barrée… (rire)
Qui a composé les morceaux ?
C’est Elka, en générale, qui faisait tout.
Les paroles aussi ?
Oui. L’enregistrement du premier disque on a fait en 6 heures dans un studio de répét. Quelques morceaux sont pas en version finale et merdique mais nous avons changé les paroles de Let’s Go un morceau de Eddie Corbett [ndlr : ?] Et nous avons chanté nos propres paroles. Elka a écrit les autres morceaux.
Comment t’a appris jouer la batterie ?
Russell, et Elka m’a fait apprendre beaucoup aussi, elle joue n’importe quel instrument, mais pour moi c’était un déclic, facile, “je peux faire ça !!!”
Parfois t’es chanteuse, ça te manque d’avoir un instrument ?
Effectivement j’en ai marre, quand je rentre je lance un groupe où je joue la basse, j’ai envie que tout le monde chante, être chanteuse est boring.
T’as une belle voix.
J’ai toujours envie de chanter, mais j’ai envie de changer aussi.
Pour créer un bon groupe, quels sont les composants nécessaires ?
Il y en a deux. J’ai un groupe Special Ed avec mon X Chris, et Marie des Bananas, un super party band, des morceaux de rockab, nous changeons d’instrument, il y a des compos, il chante, je joue la basse, on change, etc., le public s éclat, j’aime ce genre de musique. Des jeunes viennent nous voir, c’est super. J’aime Top 10 aussi parce que j’adore le power pop, c’est bien d’avoir les bon musiciens mais avec Top 10 tout le monde est super zicos, je les adore mais le mieux est de “rock out” tu peux pas le simuler.
Niveau personnalité aussi faut que tout le monde soit en accord. C’est difficile s’il y a qqn qui n’est pas vraiment dans le délire du groupe, on est toujours obligé d’être sur la pointe des pieds.
Dans les Trashwomen c’est un groupe où les personnalités ont bien mélangés ?
Au début oui mais après c’est devenu bizarre. Moi et Danielle ont eu une dispute avec Elka au sujet du pognon, c’était idiot, bizarre, les groupes de filles sont spéciales. Elles ont des disputes sur n’importe quoi.
C’est ça qui a fait rompre le groupe ?
Oui, les histoires de pognon
Records, touring, quoi ?
Whatever, c’était pour n’importe quoi. Maintenant on est plus vieux et plus sage
T’as des bons souvenirs des tournées, etc. ?
Nous n’avons pas beaucoup tourné. Nous avons commencé en 91 et nous avons splitté en 95. Une tournée en Europe et une au Japon. Chacune payé par un mec.
En Europe, c’est Tilo, de Pin Up Records ?
Oui.
Quels sont les aspects agréables de tourner ? Rencontrer des garçons ?
Hi hi hi, je pense qu’à cette époque, j’avais 20 ans, jamais visité en Europe, je n’ai jamais prévu d’y aller avec un groupe, visiter plein de pays, etc., c’était super.
Tu te souviens du concert au Slow Club à Paris ?
J’ai toujours les photos, on s’est bien marré.
Meilleur histoire de groupie ?
Hi hi, pas beaucoup d’histoires de groupies avec les Trashwomen. Au Japon on avait un type, vieux, gros, blouson avec un tigre brodé sur le dos, tu vois le genre, mais avec les groupes de filles il n’y a jamais des tonnes de mecs, massages de pieds gratos, etc. désolé. Les concerts en Europe, l’assistance était que des mecs. Surtout en Allemagne. À Hambourg, que des “dudes”.
La différence entre les mecs français et allemand ?
En France je me souviens des mecs qui restaient faire la fête avec nous toute la nuit.
Elka était célibataire, je venais de commencer une relation avec Russell et Danielle avec Darin. Tout le monde était libre, j’ai dit après que nous étions bien conne, nous aurions pu se faire taper plein de fois hi hi hi.
Et les concerts à SF ?
Toujours on avait un mec idiot [mark : ça veut dire pas toujours le même c.a.d.] qui est monté sur scène danser en slip. Juste un péquenaud, tu vois, qui prend son pied comme ça.
C’était la fête, un bon milieu à cette époque, un brassage de rockabs, punks, garage rockers, etc., cool.
Parfois, il y a des mecs qui sont obsédé par les groupes de filles “girl band geeks”. Bobbyteens aussi.
Je pense qu’il y a 2 espèces, groupies et girl band geeks.
Nous avons joué avec les Devil Dogs, ils étaient très chaud pour nous taper toutes.
Les Mummies et Devil Dogs était “rivals” d’où le morceau “Maraconda’s a Friend of Mine”, nous avons bien foutu de leurs gueules [ndlr : we were total assholes to them].
J’adorais ce groupe, en vérité les Devil Dogs sont de bons amis et je reste en contact avec eux. Ils étaient effectivement nos groupies, ils se sont exprimé genre “Trashwomen wear high heels, miam miam”.
Meilleur affiche ?
Bobbyteens Dictators, pas besoin de réfléchir.
Le pire, une fois à Coney Island High à New York, c’était atroce, j’ai perdu ma voix, c’était mon anniversaire, Joey Ramone, et Handsome Dick Manitoba dans l’assistance. J’étais dégouté.
C’est les Prissteens qui ont fait la première partie et ils ont monopolisé la conversation avec Joey, j’étais énervé, finalement je l’ai laissé tomber. Lisa a demandé de prendre une photo ensemble et il a dit simplement “non”, le con, et j’ai pensé, “je ne veux pas avoir un mauvais souvenir de lui” et je me suis barré
Les Dictators sont des vrais personnages. Ross the Boss a son dicton “if you wanna play with the big guys you gotta get good equipment,” nous racontons cela toujours parce que nos matos sont toujours minables.
Ramones, Rocket to Russia époque, avec AC/DC, Bon Scott époque. T’as vu le vidéo Rock Goes to College ? Live, sur une petite scène, très vieux.
Les Trashwomen sont réunis pour un seul concert ?
C’était formidable. Je pense que nous allons refaire ça cet été. Mais je n’ai pas envie de faire ça tout le temps. Nous avons déjà disputé sur les tenues de scène figure toi, Danielle et moi, nous avons fait la gueule sans parler pendant 2 jours. J’ai envie d’organiser une soirée au Purple Onion à SF comme à l’époque, il y a 10 ans, avec Count Backwurds, Phantom Surfers…
C’était blindé, tout le monde chantait les paroles, je n’avais pas envie que ça termine.
Un public jeune ?
Mixte, jeunes garage venu de LA, les vieux, etc.
Et ailleurs ?
Nous avons déjà plein d’invitations de jouer, même en Italie. On va voir…
T’as vu les Trashmen sur scène ?
Oui, à Las Vegas Grind en 1999. C’était super. Il y a mon ami Travis qui a envie d’organiser un concert Trashmen/Trashwomen. Ça me branche de faire un truc décalé comme ça.
Dans l’interview, nous revenons toujours à l’époque début années 90 à SF. Pourquoi cette période était aussi exceptionnelle et wild ?
Tout le monde était jeune, c’était rigolo, la bande d’amis bien “nerdy” [ndlr : coincé/ringard/obsédé/collectionneur] qui aiment beaucoup rock n roll, sixties, pas vraiment mods, même si Russell est venu de la scène mods, les gars Mummies & Phantom Surfers. Tout le monde concentré sur le “fun”, véritable punk d-i-y spirit, qui aime tellement le rock n roll, une scène assez limitée, attitude je m’en fous…
Il s’agissait du premier groupe pour la plupart des gens ?
Oui, comme moi. C’est marrant aujourd’hui de voir les groupes avec les jeunes, 20 ans, les Traditional Fools, super, Rock n Roll Adventure Kids, Fee Fi Fo Fums, etc. Parfois je pense “been there done that, vous êtes très nineties les enfants,” mais je ne veux pas être vache, c’est génial que les jeunes d’aujourd’hui sont sur le coup.
Qu’est-ce que t’as comme bagnole ?
73 Olds 442, elle bouge, je vais faire faire la peinture bientôt, ça sera monstrueux. C’est l’ancienne voiture de mon père. Il avait tout une série d’Olds 442. Je me souviens de rouler dans la voiture, mon père au volant, cheveux gominés, il fume, c’est l’hiver, vitre baissée, moi à l’arrière, et ma mère “ferme la vitre, elle attrapera un rhume,” “ta gueule, je fume”.
Il y a un poste ?
Oui, mais il est mort, je vais le remplacer pareil. C’est mon esprit, j’aime bien garder tout en état d’origine. Si je rajoute un lecteur CD il sera dans la boîte à gants pour le cacher. La voiture fait un bel bruit très fort, il y a “dual exhausts,” terrible !
T’écoute quoi au volant ?
Hard rock 70’s ! AC/DC, etc. La voiture est de l’époque, ça sent bien ! Cheap Trick !
Pourquoi t’as déménage de San Francisco à Oakland ?
Je sortais avec Russell et j’ai emménagé chez lui. Nous étions en couple pendant longtemps et lors de notre séparation c’était impossible de trouver un logement à SF, trop de concurrence.
[Iwan passe en bagnole]
Il cherche toujours une place de stationnement.
Quelle est la meilleure ville du monde pour faire la fête ?
Mexico ! [ndlr : Mexico City in English] Deadly Weapons y ont joué, mais aussi la première tournée des Glamour Pussies. Le concert le plus fou que j’ai joué. J’ai toujours des cicatrices sur les bras. Tigger portait quasiment rien, elle a provoqué le public, c’était que des mecs, ils avaient de mal à l’encaisser, tous en érection, nous sommes en sous-vêtements, elle est très forte, elle a hissé un type et l’a foutu sur sol, violent ! Il est devenu énervé et ils ont commencé à lutter sur scène. Il a essayé de déchirer ses vêtements à elle. Je suis en train de jouer la batterie, je sens de l’humidité sur mon bras. Je regarde, c’est du sang qui coule partout, on a jeté des bouteilles sur nous ! Nous avons continué à jouer. Mike a hurlé “il faut arrêter MAINTENANT !” et l’ingénieur de son est venu enlever les micros, la soirée est terminée ! On aurait pensé un concert des Dwarves !
Deadly Weapons ont quoi comme disque ?
2 45-t, un album et un split 45 avec un morceau des Replacements “Don’t Ask Why”. Et c’était prévu d’être sur une compil JFA mais elle n’a jamais sortie, le morceau “We Know You Suck”, j’adore le morceau.
Parle-moi de Tina and the Total Babes.
Nous avons joué l’année passée pour la première fois, à NY. Non, d’être précis, nous avons joué une fois au début, on a engagé les Bobbyteens à l’origine pour jouer à Minneapolis, mais on a eu un problème de planning. J’ai discuté avec Travis, il a dit “faut juste rassembler un orchestre et apprendre un set de reprises”. Nous avons fait ça pour rigoler, c’est bien passé. Après, il a dit “je compose un tas de morceaux et nous allons faire un album, file-moi des paroles”. Nous avons fait l’album mais nous n’avons plus jamais joué. Puis nous avons joué à NY avec Terry des Nice Boys et Exploding Hearts, tout un orchestre super-zicos. Nous n’avons jamais joué ensemble, j’arrive à NY et dans la salle de répét il y a Josie Cotton et Nikki Corvette, et je suis censé de répéter devant elles ! J’ai pété les plombs ! Finalement nous avons bien joué sur scène, c’était AWESOME.
J’ai envie d’enregistrer un autre album. Et le mec des Yum Yums a envie de nous faire jouer en Norvège. Apparemment c’est super là-bas, une bonne scène, sans oublier les Vikings, leur groupe avec Steve Baise [ndlr : ou, en français, Mr. Fuck!] des Devil Dogs.
(Histoire des Clorox Girls, un groupe de l’Oregon…) Une fois on n’avait pas assez de pognon pour payer les groupes, on les a payés en jean ! Ça m’arrangerait, j’aurais bien être payé en fringues !
À propos les fringues, t’as lancé une boutique à Oakland qui combine brocante et coiffeur.
Oui, avec mon ami Seth de Gravy Train nous avons lancé “Down at Lulu’s” il y a un an. On y vend des fringues, des disques, des conneries. Aussi il y a des chaises de coiffure à l’arrière.
60’s, 70’s fringues, début 80’s.
Vente sur Internet aussi, ou juste dans la boutique ?
Que sur place, nous sommes “old school”. C’est fait exprès, mais aussi question d’être faignante. J’ai beaucoup vendu à l’époque sur EBay mais j’en ai marre. Je n’ai plus la patience. J’avais un véritable sac Gucci des années 60, ça se vend cher sur EBay, finalement c’est fait volé à la boutique ! J’achète des fringues chez les gens, une fois chez une nana avec des jeans patte d’éléph, trucs Luis Vuitton, je étais franc avec elle, j’ai dit “tu peux vendre cela plus cher sur EBay”. J’ai donné mon dernier prix point barre. Et je ne vends pas cher, j’ai envie que ça tourne [ndlr : que les articles ne restent pas trop longtemps à la boutique], et j’ai un coin soldes aussi.
Des disques neufs ?
Pas beaucoup, sauf Norton, sinon, beaucoup d’occase, les groupes de punk locaux.
Est-ce que les disquaires à San Francisco arrivent à faire la concurrence à Amoeba ? Certains ont fermé.
C’est pas évident. Recycled Records est toujours là à Haight & Masonic, mais le mec est propriétaire des murs aussi. Il est là depuis la nuit de temps, rien n’a changé. En revanche, tu vas à Portland, c’est génial. Plein de disquaires, tout le monde jeune, comme nous, la vie n’y coute pas cher, facile à monter un entreprise, vendre des disques, moi ça me plairait bien, vendre de la camelote, mais je suis l’esclave de la coiffure. C’est dur, toucher les gens toute la journée. Les amis, les gens cool, les gens avec confiance en moi, c’est super, on se marre bien. Je fais mon métier depuis un bon moment, j’ai l’œil. Après, il y a les gens coincés qui arrivent, avec les cheveux jusqu’au cul, “tu peux couper juste quelques centimètres” et après en larmes “t’as trop coupé” et je dis “tu veux que j’arrête alors” ? Si je travaillerais pour qqn d’autre je pourrais l’envoyer chier. Malheureusement c’est mon propre entreprise. Aujourd’hui, tu déconnes, il y a un blog critique sur l’Internet toute suite. Je lui ai dit “c’est gratos, désolé, on a eu une rupture de communication” et pourtant la connasse s’est plainte sur l’ordinateur. Tout le monde l’a vu.
Quelle est la meilleure ville du monde pour shopping ?
Le Sud en général, surtout Memphis et environs. Les thrift stores y sont terribles. J’y suis allé pendant Goner Fest. Il y a un Amvets (Thrift Store) sur Elvis Presley Boulevard qui a la surface de 2 hypermarchés, incroyable, tu remplis ton chariot. La vie cout pas cher, c’est super. Je jouerais gratos, juste pour y aller, manger, visiter Graceland, faire la fête jusqu’à l’aube, c’est les vrais cambroussards.
Quelle est la différence principale entre les français et les américains ?
Les français sont un peu réservés, le public aux concerts est un peu plus relax. Les groupes en France sont super, et tout le monde a un super look, est très beau. Les américains viennent ici, ils ont l’air un peu rude, “fuck yeah”.
Quelques groupes à connaître à SF ?
The Flakes of course, les Traditional Fools, garage, Rock n Roll Adventure Kids, super, The Pets, meilleur groupe de SF maintenant, les Hormones, un couple français, formidable, une nana et son mec Pascal, un peu genre Gun Club/Gories.
Les salles ?
À Oakland il y a Stork Club, mais ils ont changé de programmateur, c’est moins bien. The Knockout à SF est bien. Il y a toujours El Rio.
Filed under: american, culture, music, pop culture, texte en français | 2 Comments
Wow GENIAL cette interview!
… ou plutôt genialE!